Crédits photo : Banque de France
Pour commencer, pouvez-vous rappeler la genèse et la mission de l’OIB ?
Vous avez publié il y a quelques mois l’édition 2022 de votre rapport. Un chiffre marquant est la poursuite de la baisse du nombre de dossiers de surendettement déposés chaque année en France. Comment l’expliquer et comment poursuivre cette dynamique ?
👉 La baisse tendancielle du chômage que l’on observe sur la même période
👉 Le meilleur encadrement du crédit à la consommation, notamment grâce à la loi Lagarde de 2010
👉 Le meilleur outillage des commissions de surendettement par le législateur, par exemple la possibilité qui leur est donné de prononcer des décisions d’effacement des dettes pour les situations les plus graves.
On observe cependant une légère recrudescence depuis le printemps 2023 avec 6% de dossiers en plus par rapport à l’an passé. Selon nous, cette hausse est due à un retour à la normale des incidents dans les banques : pendant la pandémie, le nombre d’incidents en compte et sur les crédits avait considérablement baissé ; depuis le printemps, il a retrouvé son niveau de 2019. Cela n’a donc rien de catastrophique mais c’est important de suivre cette situation de près.
Autre bonne nouvelle dans ce rapport : la forte hausse de la souscription à l’offre spécifique clientèle fragile. Est-ce que c’est la conséquence de la mise en place de critères de détection plus préventifs par les banques ? D’une meilleure appropriation et valorisation de cette offre par les banques ? Les deux ?
Source : Banque de France
En revanche, on continue à voir de moins en moins de recours au dispositif de droit au compte. Sait-on quel est le taux de non-recours ? Est-ce que les assouplissements et modernisations récentes apportés à ce dispositif vont permettre d’inverser cette tendance ?
👉 Au travers des dispositifs clientèle fragile, les banques font de plus en plus attention à leurs clients. Ainsi, des situations qui auraient autrefois peut-être débouché sur une clôture de compte s’arrêtent avant, ce qui permet aux personnes de rester dans leur banque.
👉 L’émergence au cours des années 2010 des comptes de paiement, qui constituent une offre alternative.
Nous savons que 99,5% de la population française dispose d’un compte. Le pourcentage de personnes qui sont adultes et qui n’ont aucun compte est donc extrêmement faible et ce chiffre n’augmente pas. Cela n’empêche pas que nous soyons très attentifs à l’amélioration continue de ce dispositif de droit au compte : les banques désignées ont désormais trois jours pour prendre contact avec le demandeur. Nous sommes également en train de travailler à la dématérialisation des échanges entre la Banque de France et les banques sur ce sujet. Cela nous permettra de beaucoup mieux suivre les demandes.
Source : Banque de France
Sur le volet du microcrédit se confirme cette année le succès du microcrédit professionnel, à comparer avec la relative stagnation du microcrédit personnel. Comment expliquer cette différence ? Comment développer le microcrédit personnel ?
Pour dynamiser le microcrédit personnel, nous essayons de faire de plus en plus de communication à ce sujet – nous venons de lancer une campagne de communication sur ce thème. En 2023, nous avons également remis les prix régionaux et le prix national du microcrédit à des bénéficiaires, notamment dans la catégorie du microcrédit personnel. Par ailleurs nous avons repris la gestion du site France Microcrédit, via la mise en ligne de notre annuaire, qui recense tous les acteurs du microcrédit en France. Enfin nous échangeons beaucoup avec les acteurs de l’OIB sur ce sujet.
Source : service-public.fr
Comment se traduit votre action d’éducation financière ? Pourquoi avoir choisi de développer vos actions de prévention sur les arnaques cette année ?
Grâce à l’action commune qui est menée, il existe désormais un passeport EDUCFI obligatoire pour les élèves de 4ème et une offre systématique de sensibilisation aux sujets d’argent pour les jeunes participant au Service national universel (SNU). Par ailleurs, le catalogue de sensibilisation des intervenants sociaux s’est étoffé pour répondre à leurs besoins, avec une attention particulière pour les Points Conseil Budget (PCB). Au global, les partenaires de la stratégie sensibilisent environ 250 000 personnes par an et génèrent plus de 34 millions de vues sur leurs sites.
Une attention particulière est en effet portée à la prévention des arnaques : arnaques aux moyens de paiement, arnaques au crédit, arnaques aux livrets et placements, usurpation d’identité… Cette prévention est nécessaire : une enquête menée par la Banque de France avec l’institut CSA en 2021 auprès de 2 000 personnes a révélé que 9% des personnes interrogées disent avoir fourni accidentellement des informations financières en réponse à un e-mail ou un appel téléphonique, un taux qui atteint même 26% chez les 18-24 ans.
Vous consacrez une partie de votre rapport 2022 à la situation outre-mer : quelles sont les spécificités de ces territoires en matière d’inclusion financière ?
En matière de fraude, les DOM sont une cible privilégiée des arnaques à la défiscalisation du fait de leurs régimes fiscaux particuliers. Il est donc essentiel d’éduquer les résidents sur les menaces liées à la fraude financière, aux escroqueries en ligne et à la sécurité de leurs informations personnelles.
Enfin la Banque de France intervient également en soutien du microcrédit social accompagné, sujet que relaie l’IEDOM (Institut d’émission des départements d’outre–mer) outre-mer.
Pour conclure, et parce que nous sommes fortement engagés sur ce sujet chez WeTechCare : comment voyez-vous l’impact du numérique sur l’inclusion bancaire et financière ?
À notre niveau, à la Banque de France, nous tenons à mettre à disposition un accueil multicanal via :
👉 Le téléphone (un numéro unique, le 34 14)
👉 Le courrier
👉 Nos services en ligne
👉 Des accueils physiques dans tous les départements
L’objectif est d’offrir un vrai choix à l’usager. Il est important que les gens sachent que les services en ligne existent, parce que cela peut être un vrai gain de temps. Mais il est tout aussi important qu’ils puissent prendre rendez-vous et avoir une interaction en face-à-face avec un agent s’ils en ressentent le besoin. Ce qu’il faut éviter, c’est d’arriver à une situation où il n’y a quasiment plus de possibilité de face-à-face. Quand on laisse le choix aux gens, le numérique devient un service et cesse d’être vécu comme une contrainte.