En France, 13 millions de personnes ont des difficultés avec le numérique. En cette rentrée 2021, l’inclusion numérique de ces Français est plus que jamais urgente, avec la dématérialisation accélérée des services publics et privés générée par la crise sanitaire. Parallèlement, la prise de conscience de la problématique est forte et l’Etat propose un plan de relance sans précédent sur le sujet.
Pour agir en faveur de l’inclusion numérique, nous nous trouvons donc dans un moment charnière. Après avoir accompagné plus de 30 collectivités dans la mise en place de politiques et d’actions d’inclusion numérique, WeTechCare a souhaité partager les enseignements mais aussi les grands défis identifiés sur le terrain, lors d’une webconférence organisée avec SFR et l’Assemblée des départements de France (ADF). Suivie en live par plus de 500 spectateurs, elle a permis de présenter des données-repères, des bonnes pratiques et les challenges qui restent à relever pour agir au service de l’inclusion numérique dans les territoires.
Inclusion numérique dans les territoires : des premières actions et un défi de passage à l’échelle
Depuis 5 ans, les initiatives des collectivités se multiplient pour identifier les acteurs de l’inclusion numérique et les mettre en lien dans le cadre de réseaux. Les départements et les EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale) se sont particulièrement engagés dans ces dynamiques mais chaque échelon de collectivité apporte, en lien avec ses compétences, un levier propre.
L’action des départements est essentielle dans la lutte contre l’illectronisme explique Isabelle Dechaume, vice-présidente au sein du Conseil départemental de Saône-et-Loire : “Le département a ce rôle de fédération, de mise en visibilité et d’interconnaissance des acteurs.” Un point de vue partagé par Claude Riboulet, président de la Commission innovation et numérique au sein de l’Assemblée des départements de France et président du Conseil départemental de l’Allier, pour qui les départements ont une légitimité, car c’est l’institution qui s’occupe de l’accessibilité des services aux publics : “Le numérique est un service aux publics, l’inclusion numérique doit être un service aux publics”.
L’État, qui contribue aujourd’hui au sujet avec un plan de relance à hauteur de 250 millions d’euros, ouvre quant à lui des perspectives pour agir massivement contre la précarité numérique. Ces moyens importants, ainsi que la relance de certains dispositifs lancés par la Banque des Territoires, sont des opportunités majeures à saisir pour être à la hauteur de l’enjeu, qui concerne près de 40% de la population française. Compte tenu de la diversité des situations territoriales, la participation des territoires à ce plan de relance, pour adapter les leviers proposés aux spécificités locales, sera aussi un facteur clé de succès.
Connaître et structurer l’offre d’inclusion numérique sur son territoire : 1er jalon des politiques territoriales d’inclusion numérique
Entre l’expertise de WeTechCare et les témoignages des intervenants, plusieurs axes ont été identifiés pour mettre en place une politique d’inclusion numérique efficace.
Le rôle clé du diagnostic
Pour Isabelle Dechaume, le diagnostic est la clé de voûte d’une politique d’inclusion numérique : “On identifie comme ça des acteurs dont on ne soupçonnait pas l’existence” précise-t-elle. Elle conseille aussi de ne pas hésiter à solliciter les autres élus et niveaux de collectivité pour avoir une approche fine. Une analyse partagée par Jean Deydier, directeur et fondateur de WeTechCare, qui précise qu’il y a toujours un réseau à activer (écoles, collectivités, associations, entreprises…) même s’il peut être moins dense dans certains territoires.
Accessibilité, visibilité et impact : les trois piliers des politiques d’inclusion numérique
👉 L’accessibilité
Existe-t-il des offres accessibles, variées et adaptées aux besoins sur tout le territoire ? Comment les densifier ?
Pour favoriser l’autonomie, il faut proposer des solutions d’accompagnement proches des publics. Or, en moyenne, dans les diagnostics territoriaux de WeTechCare, on ne compte que 3 structures d’inclusion numérique pour 10 000 personnes*. Travailler sur l’accessibilité des offres d’accompagnement est donc fondamental. Cela peut passer par le financement d’actions (via pass numérique, appels à projets etc.) ou le recrutement d’aidants numériques (campagne bénévolat, équipe mobile…). Les conseillers numériques issus du plan de relance constituent à ce titre une bonne opportunité, mais “il faudra faire preuve de cohérence pour positionner et sélectionner les médiateurs, et adapter leur profil aux besoins”, explique Amalia Martinez, en charge du développement des usages numériques au sein de la Fibre 64, dans le département des Pyrénées-Atlantiques.
🔎 Focus territoire : la Métropole d’Orléans
WeTechCare a accompagné à partir de 2018 la métropole d’Orléans dans la construction de son réseau d’inclusion numérique en favorisant l’interconnaissance et la formation des acteurs. Au total, plusieurs centaines d’acteurs ont ainsi été formés pour développer une offre d’accompagnement locale ou pour orienter vers d’autres acteurs de l’accompagnement.
La Métropole a également souhaité développer l’accès à l’offre pour tous les habitants, et notamment dans les zones peu couvertes, via une campagne territoriale de recrutement de bénévoles. Menée en lien avec les communes et les associations locales, la campagne a été lancée le 11 janvier 2021 et a déjà suscité l’intérêt d’une cinquantaine de personnes qui souhaitent devenir aidants numérique bénévoles.
👉 La visibilité
Les offres sont-elles connues, visibles à la fois par les publics et par les acteurs ?
Les structures qui composent le réseau ont besoin de visibilité pour avoir de l’impact, or 87% des acteurs de terrain estiment qu’ils ne se connaissent pas entre eux. Quand 20% des structures déclarent qu’elles peuvent agir plus, à moyens constants, il faut s’interroger sur les moyens de rendre ces offres plus visibles ou plus attractives. À ce titre, 80% des collectivités accompagnées par WeTechCare ont mis en place une cartographie partagée des accompagnements d’inclusion numérique sur leur territoire.
🔎 Focus territoire : Le département Saône-et-Loire
En Saône-et-Loire, la phase de diagnostic a permis d’identifier 197 structures menant des actions d’inclusion numérique dans le département. L’expérimentation a montré la motivation des collectivités et des structures de terrain pour agir ensemble. Des outils de cartographie, de partage et de financement sont actuellement en construction pour agir en ce sens.
👉 L’impact
Comment faire pour que les structures de terrain montent en compétence, accompagnent mieux, à la hauteur de l’enjeu ?
Faire en sorte que les aidants puissent accompagner les publics le plus possible, et le plus qualitativement possible, est un réel défi pour faire avancer l’inclusion numérique. 37% des collectivités accompagnées par WeTechCare ont ainsi financé de la formation pour les aidants de leur territoire ou les structures qui voulaient développer une offre d’inclusion numérique.
🔎 Focus outil : Les Bons Clics
En Saône-et-Loire 50 structures utilisent Les Bons Clics, et près d’une centaine à Orléans Métropole. “La plateforme Les Bons Clics centralise toutes les ressources dont j’ai besoin en tant qu’aidant numérique et fait avancer l’inclusion numérique sur le territoire.” raconte Frédéric Husson, médiateur responsable du kiosque multimédia de Chalon-sur-Saône. Il explique aussi apprécier l’aspect communautaire de la plateforme. En plus de son centre de ressources riche de près de 200 contenus d’accompagnement gratuits, l’outil propose des espaces réseaux, des webinaires et des communautés thématiques. Les Bons Clics vise à augmenter la capacité des structures de terrain à accompagner leurs bénéficiaires sur des services utiles au quotidien (ex. utiliser des outils numériques de mobilité ou créer un compte dans l’espace Retraite).
Le réseau, soutien aux actions d’inclusion numérique
Pour Claude Riboulet, “il faut reprendre l’esprit internet : une toile où tout est connecté”.
À partir du recensement des acteurs, l’animation de réseau permet de développer des logiques de collaboration, en faveur :
- d’une meilleure visibilité, en favorisant la rencontre entre acteurs,
- d’une meilleure accessibilité, en développant des complémentarités entre structures,
- d’un impact plus fort en rapprochant les offres d’une diversité de publics.
La mise en place d’un réseau amorce des dynamiques vertueuses, même dans les territoires où il existe peu d’offres. Amalia Martinez, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, se souvient que sur un territoire rural, “seuls 5 acteurs étaient présents à la première réunion mais aujourd’hui ils sont une trentaine !”. Si on lance une dynamique, “d’autres acteurs viendront d’eux-mêmes se manifester” se réjouit-elle.
Par ailleurs, 1 territoire sur 2 accompagné par WeTechCare a recruté un animateur de réseau à la suite de l’accompagnement afin de faciliter ces connexions.
Prochaine étape : rapprocher l’offre des publics dans le besoin
Amener les solutions numériques aux publics, et pas l’inverse
Pour franchir une nouvelle étape dans l’impact des politiques publiques en matière d’inclusion numérique, il faut adopter une démarche proactive d’aller vers les publics, et ne pas simplement mettre des solutions à leur disposition. Amalia Martinez propose de repenser les formats d’intervention pour toucher les publics cibles, comme les commerçants indisponibles en journée ou les mères isolées, qui passent à travers les mailles du filet en raison des horaires d’ouverture des services des collectivités.
Thématiser l’inclusion numérique pour partir de la motivation des publics
Pour aller vers les publics, il faut aussi partir de leurs motivations. Personne ne souhaite apprendre à se servir d’une souris ! Par contre, on veut utiliser un service public en ligne, un outil de visio pour voir ses proches, un service bancaire etc. L’inclusion numérique est un sujet profondément transversal et s’intègre dans tous les domaines (insertion professionnelle, loisir, mobilité, lien social, accès aux droits…). Par conséquent, Claude Riboulet préconise de mettre les missions d’inclusion numérique sous la direction des directeurs généraux et d’en faire un sujet dans toutes les réflexions autour d’offres et de services dématérialisés.
Financer les actions d’inclusion numérique à la hauteur des enjeux
Roxane Martin, directrice des activités de conseil WeTechCare et animatrice de la webconférence, attire l’attention sur le financement et le modèle économique des actions d’inclusion numérique, encore à consolider. C’est là que peuvent intervenir des entreprises privées, explique Arthur Dreyfuss, secrétaire général et directeur média du groupe Altice, en prenant l’exemple de SFR : “Dans les délégations de service public où on déploie de la fibre optique, on met en place un fond d’usage dédié à l’inclusion numérique”. L’action de SFR a ainsi financé l’achat de 1200 pass numériques et le recrutement d’un médiateur numérique dans les Pyrénées-Atlantiques. D’autres leviers de financement ont par ailleurs été cités par les intervenants : le Plan Pauvreté, les fonds européens, la mise en commun de financements par des consortiums d’acteurs publics et privés, projets portés par la Banque des Territoires, plan de relance de l’Etat etc.
Agir pour l’inclusion numérique en 2021
D’après une étude récemment produite par la Banque des Territoires, seul un Français sur deux sait qu’il peut trouver de l’aide auprès de services de proximité sur le numérique. Aujourd’hui il faut allouer les énergies et les moyens à agir pour rendre visible l’existant, se rapprocher des besoins et sensibiliser massivement les publics et leurs interlocuteurs de proximité à l’intérêt de l’autonomie numérique. Pour les intervenants autour de la table, il s’agit aussi de “s’inspirer des initiatives existantes” et de “ne pas agir seul” pour profiter au mieux des compétences de chacun.
*Chiffres issus de l’analyse croisée des diagnostics réalisés par WeTechCare dans les territoires partenaires, auprès de plus 2000 structures d’accompagnement numérique.
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