Jeudi 9 septembre 2021, WeTechCare et Google organisaient une webconférence dédiée aux enjeux de l’inclusion numérique pour l’employabilité des publics en insertion.
Plus de 1.000 personnes s’étaient inscrites, preuve de la nécessité aujourd’hui de mettre en lumière ce sujet. Organisée en deux tables rondes, la webconférence a permis de partager les grands enjeux de la thématique ainsi que des données-repères, puis de présenter un projet concret en application depuis plusieurs mois dans 3 régions pilotes : Défi Insertion. Lancé par WeTechCare avec le soutien du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Google.org et Le French Impact, il vise à expérimenter un dispositif de formation numérique des salariés en insertion.
Les intervenants à la webconférence (de gauche à droite) : Claire Turnbull (WeTechCare), Liza Belorezova (Google.org), Jean Deydier (WeTechCare), Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, Kamran Yekrangi (Humanis), Anne-Sophie Le Bras (Google), Anne-Gaëlle Charvet (Chênelet), Cécile Wateau (Campus Vitamine T)
Numérique et insertion professionnelle : trois grands enjeux
Derrière le thème du numérique pour l’insertion professionnelle peuvent être soulignés trois grands enjeux.
Le numérique aujourd’hui indispensable au quotidien et dans la recherche d’emploi
75% des emplois nécessitent des compétences numériques (Rapport France Stratégie 2018 “Les bénéfices de l’autonomie numérique”). Autre chiffre clé : 52% des offres d’emploi sont postées en ligne (DARES 2018 “Mobiliser internet pour recruter”). En termes d’accès à l’emploi et de maintien dans l’emploi, le numérique est donc un véritable pré-requis.
Au-delà de l’emploi, les personnes en insertion professionnelle font généralement face à un grand nombre d’autres problématiques qui nécessitent l’usage de services dématérialisés : logement, santé, démarches administratives… Le numérique est donc un sujet omniprésent et essentiel quand on parle d’insertion.
Une opportunité en tant que secteur porteur
Pour autant, si l’on inverse un peu le regard pour prendre un prisme plus positif, le numérique est aussi une opportunité en tant que secteur porteur, avec la multiplication des métiers dans le numérique.
“Énormément de possibilités sont ouvertes, y compris aux personnes qui ont pu connaître des difficultés, dans le monde du digital, du développement informatique, de la cybersécurité. Ce champ d’opportunités doit pouvoir être saisi par les personnes, par un accompagnement, par la formation.” explique dans la première table ronde Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises.
Un enjeu pour les acteurs de l’accompagnement
Un dernier enjeu du numérique pour l’insertion professionnelle concerne l’accompagnement des acteurs dans leur transformation numérique. La digitalisation de certaines tâches administratives qui n’apportent pas forcément de plus-value dans le métier pour pouvoir les automatiser paraît donc une solution pour se focaliser sur d’autres aspects de l’accompagnement.
“Près d’un quart du temps d’un chargé d’insertion est souvent consacré à la recherche de l’information nécessaire pour accompagner sur le logement, la santé, l’endettement mais aussi sur la formation et sur l’emploi” rappelle Thibaut Guilluy. Le numérique permet donc également de gagner en efficacité, en facilitant la recherche de la bonne information pour accompagner au mieux les personnes. “Accompagner cette transformation numérique, la digitalisation du secteur pour pouvoir toujours essayer de remettre plus de temps, de l’humain, du face-à-face, dans la relation entre le conseiller et celui qui est accompagné me semble absolument clé, et le digital peut permettre cela.” poursuit Thibaut Guilluy.
Le numérique constitue un véritable enjeu à traiter pour les 140 000 salariés en parcours d’insertion par an : de par son caractère obligatoire et nécessaire, mais également comme un outil qui a énormément de valeur ajoutée pour les parcours d’insertion et pour le monde social.
Une mobilisation nécessaire des différentes parties prenantes de la société
Des initiatives dans le monde de l’insertion : l’exemple de Chênelet
Parmi les intervenants de la première table ronde, Anne-Gaëlle Charvet, présidente de Chênelet, explique pourquoi cette association se mobilise depuis plusieurs années sur ce sujet du numérique pour l’intégrer dans les parcours d’insertion : “On s’est rendus compte qu’il y avait un besoin criant car beaucoup de métiers vers lesquels on accompagnait les gens utilisent le numérique. Cela devenait donc très excluant si on ne faisait pas, nous, ce travail là dans les parcours.”
Anne-Gaëlle Charvet raconte comment, petit à petit, Chênelet a intégré la formation au numérique dans les parcours d’insertion des 200 personnes accompagnées chaque année : “On a attaqué la question des compétences numériques professionnelles avec des choses assez basiques au démarrage, avec des moyens limités. On a démarré avec une tablette dans les ateliers pour faire de la gestion de stock, et petit à petit cela a gagné du terrain dans nos ateliers.”
Point positif de l’utilisation du numérique ? Le potentiel pédagogique. “On s’est rendus compte que le numérique était un super outil pédagogique. C’est sûr que parler sécurité avec nos salariés c’est plus marrant avec un escape game ! On a utilisé le côté ludique et fun du numérique pour inventer des choses.” Beaucoup de ressources existent déjà, explique Anne-Gaëlle Charvet. Chênelet a donc démarré avec ces ressources existantes puis, suite à l’engouement, a inventé ses propres outils. Aujourd’hui, l’association est en train de monter une plateforme de formation au numérique en ligne.
“Nous n’avions pas de plan de transition numérique bien pensé, on a fait du pas-à-pas, en mode projet.” La nécessité de former les encadrants, voire même les dirigeants, a ainsi été identifiée. “Il n’y a pas que les salariés qui peuvent avoir des freins, il y a aussi les encadrants et il faut les faire monter en charge progressivement. C’est ce qui fait passer le déclic. Sur le terrain, quand les outils sont facilitateurs, les gens accrochent !”
La présidente de l’association se réjouit de l’aspect fédérateur du projet : “Le numérique se prête vraiment bien à la formation en pair-à-pair, c’est très valorisant pour les gens. Il s’est créé quelque chose dans l’équipe qui fait que les encadrants embarquent aussi. Notre plateforme est en train de créer une émulation car elle concerne tout le monde.”
Le soutien des entreprises : Google et les Ateliers numériques
Au-delà des structures d’insertion, d’autres acteurs se mobilisent sur le sujet du numérique inclusif et de la transition digitale des organisations. C’est le cas de Google qui a mis en place le programme Ateliers Numériques pour accompagner le développement de compétences numériques pour les individus ou les entreprises.
Anne-Sophie Le Bras est la responsable de ce programme qui a fêté ses 10 ans et qui s’adresse à deux typologies de publics : “Nous travaillons en partenariat avec les acteurs de terrain pour accompagner des TPE ou PME qui s’interrogent sur la meilleure façon d’être visible en ligne, d’utiliser les outils numériques, de mettre à jour les photos ou horaires sur Google Maps etc. Et nous intervenons auprès de publics demandeurs d’emploi, étudiants, en reconversion professionnelle etc. qui s’interrogent sur comment utiliser le numérique pour saisir les opportunités que présente ce secteur.”
Chaque année, le programme permet de former 20 000 demandeurs d’emploi avec des partenaires comme Pôle Emploi, les missions locales, les missions de l’emploi, etc. Les Ateliers numériques proposent à la fois un dispositif d’accompagnement physique, avec des ateliers dans 5 villes françaises et des équipes de coachs qui se déplacent partout en France chez les partenaires pour former ces publics, mais aussi un dispositif de formation à distance, via les webinaires de la chaîne youtube Ateliers Numériques.
Selon Anne-Sophie Le Bras, le gros challenge de la formation au numérique est la certification. “La formation ad hoc est nécessaire mais on voit un besoin de plus en plus fort sur la certification, c’est-à-dire avoir un diplôme d’Etat qui soit reconnu par les entreprises qui sont susceptibles d’embaucher ces profils là. La semaine prochaine, nous allons lancer la première promo du Bootcamp numérique, une petite école qu’on monte en partenariat avec l’Afdas et Pôle Emploi pour former une trentaine d’étudiants en Occitanie à la maîtrise des outils du marketing digital. Il s’agit d’une formation de 15 mois, avec une vraie certification à la clé qui sera reconnue, et nous travaillons avec des partenaires privés pour que leurs CVs soient pris en compte dans leurs futures candidatures.”
Un Etat garant et facilitateur
La mobilisation de l’Etat et notamment du Ministère du Travail de l’Emploi et de l’Insertion est également essentielle, notamment pour répondre à l’ampleur du besoin et pour faire bouger les lignes et les politiques publiques. Thibaut Guilluy revient sur le rôle de l’Etat :
Cette première table ronde aura permis de mettre en valeur trois points importants :
- Les services essentiels se dématérialisent : les compétences numériques deviennent donc incontournables pour l’autonomie des personnes au quotidien.
- Au-delà de l’accompagnement numérique des publics, il y a un réel enjeu de transformation numérique des organisations qui les accompagnent et notamment du monde de l’insertion.
- Toutes les parties prenantes de la société peuvent agir sur le sujet, et il y a un intérêt fort à jouer sur les complémentarités et à construire des actions communes pour faire avancer ce vaste sujet à l’échelle des besoins, et notamment « passer de l’innovation sociale à l’innovation publique ».
Défi Insertion : un programme de formation numérique en pair-à-pair
Présentation du programme
Défi Insertion est un programme lancé par WeTechCare avec le soutien du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, de Google.org et du French Impact.
Il vise à former les salariés en insertion sur les bases du smartphone pour leur donner un socle de compétences numériques nécessaires pour leur insertion. Les formations sont dispensées en pair-à-pair : nous identifions et formons des salariés en insertion à la posture d’animateur numérique, et ce sont eux qui vont dispenser les formations smartphone auprès de leurs pairs. Nous formons également les équipes des SIAE pour qu’elles puissent réaliser le diagnostic numérique préalable à la formation smartphone.
Aujourd’hui, Défi Insertion est un pilote déployé dans 3 régions (Hauts-de-France, Grand Est, Occitanie) jusqu’au premier semestre 2022. Dans chacune de ces régions, le déploiement se fait en partenariat avec un acteur de l’insertion : Campus Vitamine T en Hauts-de-France, la Fédération des Acteurs Sociaux en Grand Est, l’Inter-Réseaux IAE Occitanie.
Il s’agit donc d’un programme qui mobilise différentes parties prenantes : Etat, association et acteur privé pour le lancement et la coordination du projet, et structures de l’insertion pour le déploiement des formations, grâce aux trois partenaires régionaux de l’IAE que l’on a formés et que l’on accompagne au quotidien.
Défi Insertion, « une fusée à 3 étages »
Cécile Wateau est la directrice du Campus Vitamine T, organisme de formation du groupe Vitamine T. Dans cette deuxième table ronde, elle explique pourquoi cet acteur de l’insertion dont le siège se situe dans les Hauts-de-France a souhaité rejoindre le dispositif Défi Insertion : “On s’intéressait déjà depuis trois ans aux questions du numérique dans les parcours, et comment transformer ce magnifique outil qu’est le smartphone à un outil de recherche d’emploi et d’autonomisation de nos salariés. Ce qui m’a plu dans Défi Insertion, c’est que ce soit une fusée à 3 étages”.
Dans cette fusée, le premier étage concerne l’embarquement des accompagnants (CIP, ASP). “Il y avait cette acculturation à faire au numérique, qui était un premier frein, pas par manque de volonté mais parfois par manque de moyens, de connaissances et aussi parce que les outils évoluent très vite, on ne prend pas forcément le temps de former nos accompagnants à ces nouveaux outils.” raconte Cécile Wateau.
Au deuxième étage : la formation des salariés en insertion à la posture d’animateurs numériques. “C’est très intéressant d’aller chercher des gens qui ne sont absolument pas dans les métiers du numérique et qui vont se révéler des animateurs incroyables. La meilleure des récompenses c’est de voir comment ils s’éclatent, il n’y a pas d’autre terme.”
Enfin, au troisième étage, la montée en compétences sur le numérique des salariés en insertion formés par leurs pairs.
Cécile Wateau explique aussi que Défi Insertion permet d’échanger entre SIAE sur d’autres sujets que les problématiques plus classiques, de production ou autre. “Pour une fois, on parle d’un projet commun, qui fait grandir tout le monde. Que ce soit la SIAE, l’animateur ou le salarié qui a bénéficié de cette formation.” Afin de valoriser les compétences informelles que les animateurs développent au fur et à mesure, Campus Vitamine T a d’ailleurs travaillé à la création d’un open badge. “Il faut impérativement que nos animateurs sortent grandis de cette opération et qu’ils soient valorisés au travers de leur parcours d’insertion. C’est quand même quelque chose d’arriver dans une salle avec 8 personnes à former, à accompagner, à accueillir et, surtout, à rassurer.” explique la directrice.
Un programme ancré dans le terrain
Kamran Yekrangi, directeur de Humanis, raconte comment cette structure d’insertion située dans le Grand Est a rejoint le pilote Défi Insertion. “On a vu arriver Défi Insertion avec enthousiasme mais aussi avec réserve. Comme il s’agit d’un projet porté par le national, nous nous demandions si les particularités du terrain allaient être prises en compte. Ces craintes ont été rapidement levées parce que vos équipes ont été vraiment exemplaires en la matière. Nous avons beaucoup échangé, travaillé ensemble dans cette phase amont pour s’appuyer sur les réalités qui existent dans les territoires. Encore aujourd’hui, la FAS Grand Est (structure coordinatrice du programme) fait remonter un certain nombre de besoins autres que ce qui était prévu dans le programme initial : le programme évolue en continu pour répondre aux besoins des bénéficiaires.”
Autre point fort du programme selon Kamran Yekrangi ? “Le fait qu’il s’appuie sur des pairs est vraiment une avancée importante. Cela permet aux autres salariés de s’identifier et de se dire “si tel collègue a pu le faire, pourquoi pas moi”. C’est quelque chose qui est vraiment nouveau.”
Chez Humanis, parmi les salariés qui ont été formés à l’animation d’ateliers, certains sont aujourd’hui en phase de sélection pour devenir conseillers numériques. “On espère vraiment que Défi Insertion va pouvoir être pérennisé et qu’un maximum de collègues pourront en profiter dans la région mais aussi au-delà, au niveau national.” partage t-il.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, près de 250 SIAE sont mobilisées sur les trois régions. Plus de 280 chargés d’insertion ou accompagnant socio-professionnel ont été formés au diagnostic numérique. Plus de 70 salariés en insertion ont été formés à l’animation d’atelier numérique comme Aurélien ou Johnny. Les premières vagues de formation smartphone nous ont permis de former près de 130 bénéficiaires.
Le dispositif suit son cours, nous testons et ajustons les modalités opérationnelles de déploiement au fur et à mesure, mais voici les premières conclusions :
- Le dispositif d’apprentissage en pair-à-pair fonctionne très bien.
- La mobilisation de l’écosystème est largement présente.
- Le besoin de formation numérique trouve une résonance profonde.
Vous souhaitez rejoindre le dispositif ? Ecrivez-nous !
👉 Votre structure se situe en Hauts-de-France, Grand Est ou Occitanie : defi.insertion@wetechcare.org
👉 Envie d’en savoir plus sur notre programme Employeurs Solidaires : contactez-nous à cette adresse : employeurs-solidaires@wetechcare.org
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